“Hasta la vista, baby”: Les cellules T CD8, la machine tueuse du système immunitaire
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Écrit par : Stefanie Valbon

Traduit par : Ève Mallet Gauthier

 

Aujourd’hui, j’ai décidé de vous présenter le rôle des cellules immunitaires les plus cool de toutes. Cette cellule a la capacité de tuer les cellules qui sont infectées par des virus ou des bactéries. Maintenant que nous avons une idée générale de comment se déroule une réponse immunitaire (reconnaître, retirer, remémorer et répéter), je vais commencer à vous donner un peu plus de détails. Il s’avère que la cellule dont je vais vous parler aujourd’hui est ma cellule préférée, mais ne vous inquiétez pas – je vais m’assurer de parler des autres aussi, pour que vous puissiez choisir votre préférée également.

Tel que mentionné dans ma publication précédente, dès que vous êtes infectés par un pathogène (en d’autres mots, un microorganisme qui cause une maladie), votre système immunitaire va activer divers mécanismes. Celui-ci va organiser plusieurs couches de défense afin de permettre la reconnaissance et l’élimination de la menace. L’une de ces couches est composée des cellules T CD8 cytotoxiques. Ne vous préoccupez pas trop des mots difficiles; cytotoxique illustre simplement la capacité qu’a la cellule de provoquer la mort cellulaire, ou d’endommager les cellules. Vous pouvez aussi désigner ces cellules comme des cellules T tueuses, ou simplement cellules T CD8! J’espère que vous allez aimer la publication du jour, puisque, la semaine prochaine, je vais mettre en vedette un invité très spécial, qui aime peut-être bien les cellules T CD8 aussi!

Photo: Micrographie électronique à balayage colorisée d’un lymphocyte T.

 

Virus, voyons… tu n’es même pas vivant!

Avant de commencer à parler de ces cellules, nous devons comprendre ce que l’on veut tuer. Les virus sont essentiellement composés de matériel génétique (à nouveau, il s’agit du « livre de recettes » interne) et de quelques protéines. Ces protéines vont donner au virus sa structure et aussi leur donner quelques fonctions de plus. Il existe plusieurs sortes de virus différents et chacun comporte des protéines différentes selon ses besoin.

Cependant, souvenez-vous que les virus ne sont pas considérés comme étant des êtres vivants; ceux-ci ne peuvent presque rien faire par eux même. L’objectif du virus est très simple: se répliquer! Tout ce qu’il veut est se répliquer et infecter d’autres cellules. Par contre, pour accomplir cet objectif, le virus a besoin de quelques protéines qu’il n’a pas. Ainsi, il doit se trouver une maison (une cellule cible) et utiliser les protéines présentes dans cette cellule pour se répliquer. C’est ici que se trouve le problème : pour ce faire, le virus empêche la cellule cible d’effectuer son travail ordinaire, et dans plusieurs cas, ceci va nous causer du tort.

Donc, pour tuer le virus, nous allons utiliser les cellules T CD8, qui vont cibler la maison des virus pour la dégrader! En effet, notre système immunitaire va cibler la cellule infectée, puisque, si le virus n’a pas de maison, il ne peut plus continuer son cycle de réplication, et ainsi, ne pourra pas infecter d’autres cellules. Bref, le but du système immunitaire dans ce scénario est de reconnaitre la menace, activer la bonne cellule T CD8 qui ira ensuite trouver et tuer la cellule cible. Allons-y étape par étape.

 

Hé, cellule dendritique… va chercher!

La reconnaissance est faite par le système immunitaire inné (vous vous souvenez? Notre première ligne de défense). Une sorte de cellule spécifique appelée cellule dendritique (ou DC, pour dendritic cell, en anglais) va reconnaitre la menace (les cellules infectées) et prélever un tout petit morceau de virus. Avoir ce morceau est essentiel, puisque cette information va permettre à la cellule dendritique d’activer la bonne cellule T CD8.

La cellule dendritique va ensuite se rendre à l’endroit où se trouve plusieurs de nos cellules T CD8, c’est-à-dire, dans les organes lymphoïdes secondaires, et entamer le processus de reconnaissance. Si vous vous souvenez de la publication de la semaine dernière, chaque cellule T a un récepteur (le TCR – T cell receptor), qui est très spécifique à un pathogène unique. Ainsi, la cellule dendritique va présenter à chaque cellule T CD8 le morceau de virus qu’il a prélevé au site de l’infection, jusqu’à ce qu’il trouve la cellule ayant la bonne spécificité pour ce virus. En d’autres mots, si le récepteur est comme un verrou, le morceau de virus serait la clé. Le verrou « s’ouvrira » seulement si vous avez la bonne clé!

Si vous voulez voir l’interaction entre une cellule T et une cellule dendritique, allez voir la photo de cette publication!

Ainsi, en transportant l’information du virus, la cellule dendritique est en mesure d’activer la bonne cellule T CD8, et ce, même si celles-ci se trouvent très loin du site d’infection! Le processus d’activation est MAGNIFIQUE et requiert trois signaux, mais je mais garder ce sujet pour une publication différente. Bon, la cellule T CD8 est activée, que se passe-t-il ensuite?

 

« Hasta la vista, baby! »

Il serait plutôt inutile d’emmener une seule cellule T CD8 spécifique au site de l’infection. Ainsi, dès que la cellule T CD8 est activée, elle va subir une phase d’expansion. Les cellules T CD8 vont donc se répliquer… ÉNORMÉMENT!! Vous voulez autant de cellules T CD8 que possible pour s’occuper du problème, n’est-ce pas? Mais encore, vous voulez que ces cellules aient une capacité de tuer. Ainsi, les cellules T CD8 vont devenir des cellules effectrices qui expriment des protéines qui sont essentielles pour tuer les cellules cibles.

Vous pensez peut-être « Pourquoi est-ce que les cellules T CD8 attendent l’activation pour obtenir des fonctions effectrices? ». C’est une excellente question! Imaginez un moment si toutes les cellules T CD8 qui se trouvent dans votre corps étaient d’incroyables machines à tuer. Elles pourraient perdre la tête et commencer à cibler vos cellules saines, et on ne veut ABSOLUMENT pas ça. Donc, seules les cellules activées obtiennent la capacité de tuer.

Une fois que les cellules T CD8 sont prêtes, elles vont se rendre au site de l’infection. Puisque ces cellules T CD8 on un récepteur qui est spécifique au petit morceau de virus, elles sont en mesure de déterminer exactement quelles cellules tuer. Les cellules infectées auront le petit morceau de virus sur leur surface, et celui-ci va se lier de façon très spécifique au récepteur de la cellule T, puis bang! Maintenant, la cellule T CD8 sait qu’il s’agit d’une cellule infectée (la cellule cible). N’est-ce pas simplement incroyable?

Les cellules T CD8 vont ensuite envoyer des protéines à la cellule cible pour la tuer. Si tout se passe bien, elles seront en mesure d’éliminer toutes les cellules infectées!

Et après? Imaginez ceci: votre nombre ÉLEVÉ de cellules T CD8 ayant d’incroyables capacités de tuer, présentes dans votre corps, et la menace n’est plus là. Cela sonne comme un mauvais mélange, non? À nouveau, nous ne voulez jamais avoir des machines à tuer hyperefficaces en train de se balader si elles n’ont rien à faire.

 

« Je reviendrai! »

Une autre phase, appelée « phase de contraction » sera alors entamée. Cette phase est marquée par la mort de 90-95% de toutes les cellules T effectrices CD8 spécifiques. Cependant, la survie de 5-10% de ces cellules est crucial! Notre corps est très sceptique et veut être préparé pour une deuxième infection avec le même pathogène, si ceci devrait se reproduire.

Notre mémoire immunitaire existe à cause de ce 5-10% de cellules effectrices qui survis pour devenir des cellules mémoires à longue durée de vie. Vous avez désormais un nombre élevé de cellules spécifiques qui sont plus efficaces que vos cellules naïves (c’est-à-dire, les cellules qui n’ont jamais « vu » d’infection auparavant).

Gardez bien en tête que, si, dans cet article, je me suis concentrée sur l’explication de comment les cellules T CD8 éliminent les cellules infectées par des virus, un mécanisme similaire est enclenché lorsque les cellules sont infectées par des bactéries.

Représentation graphique du nombre de cellules T CD8 après l’activation.

Et voilà… Nous sommes passés d’une cellule infectée à -> la cellule dendritique prélevant un petit morceau de virus -> la cellule dendritique présentant le morceau de virus à la bonne cellule T CD8 dans un organe lymphoïde secondaire -> l’activation de la cellule T CD8 spécifique -> la réplication et l’acquisition de fonctions effectrices des cellules T CD8 (phase d’expansion) -> la migration au site de l’infection -> cibler et tuer les cellules infectées -> mort de 90-95% des cellules effectrices (phase de contraction) -> survie de 5-10% des cellules -> mémoire immunitaire. Si ce n’est pas magnifique, tout ça, hein?

C’est plutôt drôle comment nous, les scientifiques (ou scientifiques en devenir, dans mon cas), pouvons passer tellement de temps à regarder une protéine très spécifique, faisant partie d’un mécanisme très spécifique, dans un scénario très spécifique… ce qui – ne vous méprenez pas – est essentiel! Mais nous oublions parfois de regarder la vue d’ensemble et de prendre un moment pour apprécier toutes les étapes dans leur ensemble. Comme toujours, la beauté du système immunitaire ne se limite pas au rôle des cellules T CD8 (mais, allons, elles sont super, non?!), mais englobe chaque cellule effectuant ses propres fonctions d’une façon extrêmement régulée et interconnectée. Ce qui nous permet de rester en santé!

À la semaine prochaine, tout le monde – prenez bien soin de vous!

Stefanie Valbon

 

P.S. Vous ne voulez vraiment pas manquer la publication prévue pour la semaine prochaine, où je vais mettre en vedette un invité très spécial! Cliquez ici pour vous abonner. Merci à tous ceux et celles qui ont pris le temps de m’envoyer les plus gentils messages, d’aimer ou simplement de lire mes ImmunoThoughts. J’apprécie sincèrement!

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