« Attrapez-les tous »: Comment les cellules immunitaires reconnaissent chaque pathogène
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Écrit par : Stefanie Valbon

Traduit par : Ève Mallet Gauthier

 

Pensez au nombre de microorganismes que vous avez rencontré depuis votre naissance. À présent, ajoutez à cela tous les microorganismes que vous pourriez rencontrer dans le futur. Si cela vous donne l’impression d’être beaucoup, vous avez tout à fait raison! Dans ma publication précédente, j’ai mentionné que nos cellules immunitaires sont en mesure de reconnaitre chacun de ces microorganismes. Ceci veut donc dire que vous avons des cellules contre l’influenza, des cellules contre la salmonella, des cellules contre le SARS-CoV-2, etc. Cela semble être une tâche impossible de générer un nombre et une variété si importante de cellules, n’est-ce pas? Je le pensais aussi… mais notre corps a conçu un incroyable système pour faire fonctionner ce processus. Soyez prêts à être éblouis!

 

Reconnaissance des récepteurs

Comme je l’ai déjà mentionné, notre système immunitaire peut être divisé en deux branches. Brièvement, la première est composée de cellules qui ne sont pas spécifiques, mais qui agissent très vite (connue comme étant le système immunitaire inné). La seconde branche comprend des cellules d’une très grande spécificité mais qui prennent plus de temps à agir (connue sous le nom de système immunitaire adaptatif). Aujourd’hui, nous allons nous concentrer sur le système immunitaire adaptatif.

Ce système est composé de deux types de cellules très importants : les cellules B et les cellules T. Lors d’une réponse immunitaire, seules les cellules qui sont spécifiques au pathogène par lequel vous êtes infecté devraient être activées. Pour que ceci ait lieu, les cellules reconnaissent une portion spécifique du pathogène en utilisant un récepteur. Connus sous le nom de « récepteur de cellule B » (BCR; B cell receptor) et « récepteur de cellule T » (TCR; T cell receptor), ceux-ci sont exprimés à la surface de chacune de leurs cellules respectives.

Vous pouvez imaginer ce processus en vous représentant une clé et une serrure. L’interaction entre la serrure (le récepteur sur la cellule) et la clé (le pathogène) ne se passe que si les deux éléments sont spécifiques l’un pour l’autre – vous ne pouvez déverrouiller la serrure que si vous avez la bonne clé. Ce processus va ainsi donner l’un des signaux nécessaires pour activer votre cellule immunitaire. L’activation est essentielle afin de permettre à ces cellules de performer les fonctions permettant d’éliminer l’infection.

Photo: Micrographie électronique à balayage colorisée d’une cellule B d’un donneur humain. Crédit : NIAID.

 

De l’ADN aux protéines

Retournons aux bases pour un moment. Vous savez peut-être déjà que nous sommes faits de cellules et que chaque cellule (au moins à un moment au cours de leur vie) a un manuel d’instruction interne, aussi connu sous le nom d’ADN. Pensez à l’ADN comme étant un livre de recette. L’ADN comporte l’information qui permet à nos cellules de faire des protéines. Les protéines ont pour rôle d’effectuer une grande variété de tâches à l’intérieur de nous; elles ont des rôles de structure, de transport et de stockage. Les protéines peuvent aussi participer à différentes réactions chimiques et agir en tant que messagers en envoyant de l’information d’une cellule à une autre.

Ainsi, pour faire chaque protéine, nous avons besoin d’un bout d’information encodé dans notre ADN. Par exemple, lorsqu’une cellule a besoin de faire une protéine X, elle se rendra essentiellement à la section « comment faire la protéine X » de l’ADN et en faire la lecture. Maintenant, est-ce que vous vous souvenez des récepteurs, le BCR et le TCR? Eh bien, ceux-ci sont aussi faits de protéines, ce qui veut dire que vous avez besoin d’un paquet de protéines différentes pour faire tous les récepteurs ayant des spécificités différentes (un pour l’influenza, un pour la salmonella, etc.)

À présent, pensez à CHACUNE des protéines se retrouvant dans votre corps. Ça nécessite beaucoup d’information, n’est-ce pas? Ajoutez maintenant à ça l’immense quantité l’information requise pour faire chacun de ces récepteurs. Cela semble impossible, mais notre corps est BIEN trop rusé! En effet, il a conçu un système étonnant pour « condenser » toute cette information. Voici comment…

 

Recombinaison somatique

Une chose que vous ne savez peut-être pas à mon sujet est que je suis une très, TRÈS mauvaise cuisinière. Pas simplement mauvaise du genre « ça nécessite un peu plus de sel », mais plutôt genre « j’aurai essayé… pizza surgelée, alors! ». Cependant, imaginons un instant que je suis un réel cordon bleu et que je me suis réveillée avec dans l’idée d’explorer des nouvelles recettes. Donc, je prends un livre vide de 100 pages, et pour chaque page, j’écris un ingrédient différent. Je remplis le livre avec tous les ingrédients auxquels je peux penser. Avec ce livre en main, je commence mon aventure culinaire de la façon suivante :

Pour ma première recette, j’ai ajouté les ingrédients des pages 1 à 4, j’ai retiré les pages 5 à 22, puis ajouté les ingrédients des pages 23 à 100. Lorsque j’eus fini, j’ai goûté à mon invention culinaire et me suis demandé « est-ce que ça marche? » (est-ce que ça goûte bon?). Si ça n’a pas fonctionné, je réessaye. Cette fois, j’ai ajouté les ingrédients des pages 1 à 4, retiré des pages supplémentaires (disons les pages 23 à 35), puis ajouté ceux des pages 36 à 100. Une fois terminé, je me demande la même question : « est-ce que ça marche? ». Si oui, super. Mais si non, je continue à retirer des pages jusqu’à ce que je trouve quelque chose qui fonctionne à mon goût, ou jusqu’à ce que le livre soit terminé (dans lequel cas un nouveau livre serait nécessaire pour répéter ce processus).

Aussi folle que semble cette idée, notre corps a évolué de façon à utiliser un processus similaire : un mécanisme menant à une grande diversité de récepteurs tout en maintenant un espace de stockage faible. Lors de la génération de cellules B et T, les cellules en cours de développement vont accéder à la section « comment faire un récepteur » de l’ADN et performer ce qui est connu sous le nom de recombinaison somatique. Les cellules vont essayer de générer une protéine en utilisant différentes portions de l’ADN présent à cet endroit. Si la recombinaison fonctionne (générant un récepteur viable), la cellule est prête à partir. Si la recombinaison ne fonctionne pas, un morceau de l’ADN sera coupé (ou les pages du livre seront retirées) et une nouvelle protéine sera générée et exprimée à la surface de la cellule pour être testée. Ce processus va se produire à plusieurs reprises jusqu’à ce qu’un récepteur viable soit généré ou jusqu’à ce qu’il ne reste plus de recombinaisons possibles.

Gardez en tête que je présente ce processus de façon très simpliste. Laissez-moi cependant savoir si vous aimeriez que je couvre se sujet en plus amples détails! L’objectif de cette publication est d’expliquer comment il nous est possible d’avoir une si grande variété de récepteurs en utilisant une toute petite région de l’ADN.

En bref, ceci se produit car chaque cellule va couper l’ADN d’une façon un peu différente. Croyez-le ou non, ce processus garantit que vous soyez en mesure de générer des cellules qui sont spécifiques à chaque pathogène. Par exemple, vous avez déjà des cellules qui sont spécifiques à une portion du SARS-CoV-2, même si vous n’avez jamais été infecté par celui-ci. Ceci est seulement possible grâce à la capacité de nos cellules immunitaires adaptatives à subir la recombinaison somatique!

 

0Soi VS non-soi

Attendez un instant… je suis en train de vous dire qu’un processus essentiellement aléatoire mène à des cellules qui sont capables de reconnaitre une portion de pathogène, mais comment est-ce qu’elles savent ce qu’est un pathogène? Comment pouvons-nous éviter de fabriquer des récepteurs qui sont spécifiques aux cellules du cœur, par exemple? EXCELLENTE question, et la réponse est… cette possibilité n’est pas évitée.

La recombinaison somatique n’élimine pas la possibilité de générer des cellules immunitaires qui sont spécifiques aux cellules de notre propre corps. Cependant, le développement des cellules de notre système immunitaire adaptatif est un processus extrêmement bien régulé. Il existe différents mécanismes qui, ensemble, préviennent la survie de cellules qui pourraient attaquer notre propre corps. Malheureusement, lorsque ces mécanismes de « délétion » ne fonctionnent pas, nous développons alors des maladies auto-immunes… mais je vais garder ce sujet pour l’une de mes prochaines publications!

Stefanie Valbon

 

P.S. Si, après avoir lu cette publication, vous commencez à avoir quelques idées quant à pourquoi mes habiletés culinaires ne sont pas extraordinaires… vous pourriez avoir raison… mais n’importe quoi pour la science, hein?

3 réponses

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